d'après la communication lors du congrès ARMD 2014 du professeur Phuc Le Hoang

3 Diagnotics d’uvéite à ne pas rater

ARMD 2014: le congrès

Docteur Christine Fardeau / Docteur Isabelle Aknin

Le 26 octobre 2014

Le professeur Le Hoang a été chargé de nous présenter parmi les uvéites, les 3 diagnostics à connaitre et reconnaitre. Voici sa sélection :

  1. ARN (Acute Retinal Necrosis)
  2. PVRL (Primary Vitreo-Retinal Lymphoma) ou PIOL (Primary IntraOcular Lymphoma)
  3. Toxoplasmose

1 ARN : mauvais pronostic : destruction de la rétine en quelques jours.

Les éléments de diagnostic :

  • Des dépôts rétro-cornéens
  • Une nécrose rétinienne extensive : rétine jaunâtre, parfois bordée de plages de sang, avec des vaisseaux déshabités, qui évolue vers des plages blanchâtres confluentes
  • Un Tyndall vitréen

Les principes de traitement :

  • Un traitement antiviral systémique intra-veineux en urgence par aciclovir ou foscarvir, qui peut être associé à des intra-vitréennes de ganciclovir.
  • L’usage des stéroïdes est discuté : seulement après traitement antiviral. Si on l’utilise : prednisone orale : 0,5mg/kg/J plus rarement, methylprednisolone intraveineuse.
  • Jamais d’immunosuppresseur
  • Traitement anticoagulant : aspirine, héparine
  • Le laser : inefficace sur la diffusion de la rétinite, mais peut prévenir les complications de la nécrose; une photo-coagulation en barrage confluent peut être effectuée en arrière des zones nécrotiques.
  • Chirurgie : en cas de décollement de rétine: vitrectomie, endolaser et tamponnement par huile de silicone

La surveillance est rigoureuse :

  • Examen clinique: évaluer l’activité de la rétinite virale, et l’œdème rétinien, surveiller l’inflammation vitréenne, et les tractions.
  • Laser Flare Photométrie pour quantification objective et sensible de l’inflammation en chambre antérieure
  • En cas de résistance au traitement : étude des résistances virales sur les prélèvements de fluides oculaires: PCA et/ou vitrectomie : PCR et isolement des souches virales pour « antivirogramme ».

Le traitement d’entretien :

  • Aciclovir oral : 1g /J
  • Valaciclovir oral : 500mg x 2/J
  • Famcivlovir : 500mg x 2/J
  • Valganciclovir : 900mg/J +++
    • Durée du traitement d’entretien indéterminé

L’ARN est une rétinite par prolifération de virus herpétique

(Herpès simplex virus type 1 ou 2 ou Zoster virus ou cytomegalovirus)

  • Zona ophtalmique :

S’assurer systématiquement de l’absence de rétinite périphérique

Un traitement systématique par Valaciclovir (valacyclovir pour les anglo-saxons) : 3g/J commencé dans les 48 premières heures qui suivent l’éruption cutanée, et durant 8J minimum

Traitement en intraveineux chez les patients immunodéprimés.

 

  • En pratique,

au cours des ARN une PCR est pratiquée sur une ponction de CA ou une vitrectomie diagnostic : déterminer le type de virus en cause (HSV1, HSV2, VZV, CMV) est essentiel au traitement :

  • S’il s’agit du HSV (herpès simplex) cela répondra bien au valaciclovir.
  • Le VZV (virus varicelle/zona) induit des pathologies plus sévères, et est plus résistant au valaciclovir
  • Le CMV (cytomégalovirus) est moins sensible au valaciclovir, et nécessite d’autres molécules comme le ganciclovir ou bien le Foscarnet.

ARN : On traite un certain temps, empirique, variant d’un centre à l’autre, en fonction de la sévérité de la lésion. C’est une urgence.

à La Pitié le protocole courant est d’injecter de l’Aciclovir en intraveineux : 10mg/kg x 3/jour pendant 10 jours, suivi par valaciclovir 1g/J x 3/J pendant 6 semaines.

En fonction du virus, on conseille :

Un temps d’induction du traitement :

. aciclovir i.v. (10 mg/kg/8h)

. ganciclovir i.v. (5 mg/kg/12h) ++

. foscarnet i.v. (90 mg/kg/12h) +++

Un traitement de maintenance

. Aciclovir oral (4g/j)

. Valaciclovir oral (3g/j) +++

. Ganciclovir oral (3g/j)

. Valganciclovir oral (900 mg/j) ++

Des injections intra-vitréennes :

optionnelles, si la rétinite est sévère ou mal contrôlée, si la papille ou la macula sont menacées, en cas de résistance à l’aciclovir, chez un patient monophtalme ou porteur du HIV :

. ganciclovir : 200-2000 µg x 2 par semaine  +++

. foscarnet : 1200 µg x 2 par semaine

Dans les cas sévères, on peut injecter les deux molécules en intra-vitréen

2 « masquerade syndrome » :

5% des patients adressés aux centres d’uvéite dont 48% sont malins et 52% bénins

Le lymphome intraoculaire primaire (PIOL : primary intraocular lymphoma) ou le lymphome vitréo-rétinien primaire (PVRL : Primary Vitreo-Retinal Lymphoma)

Se manifestent sous forme de :

Pan-uvéite, avec infiltration vitréenne essentiellement dans le vitré périphérique de façon circulaire, « toiles d’araignée » vitréenne, infiltrations rétiniennes et sous rétiniennes jaunâtres, et altérations de l’épithélium pigmentaire. Masse hyper-réflective à l’échographie.

  • Suspicion clinique:

    • Sujets âgés > 60 ans (cas de patients jeunes 30 ans)
    • Yeux calmes, blancs, indolores, Myodesopsies+++, Hyalite+++
    • Pas de synéchies IC (95%)
    • Infiltrats rétiniens profonds, labiles,
    • Vasculite, OMC, pseudo « rétino-choroïdite »
    • Angiographie fluorescéinique (Léopard)
    • Cortico-dépendants à fortes doses (>30 mg/j prednisone)
  • confirmation diagnostic:

  • PCA : IL-10 > 50 pg/ml, rapport IL-10/IL-6 > 1 (suivi de l’efficacité du traitement)
  • Vitrectomie diagnostique +++
    • IL-10 élevée, Cytologie +++
    • Biologie moléculaire (réarrangement des gènes codant pour la portion variables des chaines lourdes des Ig, translocation 14-18 avec activation du gène bcl-2 inhibant l’apoptose)
  • Biopsie cérébrale :
    • Atteinte cérébrale dans 65% des cas, avec
      • une atteinte oculaire secondaire (moyenne du retard : 54 mois) dans 25% des cas
      • une atteinte concomitante dans 21% des cas
      • une atteinte oculaire primaire (délai d’apparition de l’atteinte cérébrale de 20 mois en moyenne) dans 55% des cas.
    • Hyper-signal en T2 à l’IRM (mieux visible sous gadolinium)
  • Dg différentiel:

    • Association lymphome et HIV
    • Métastase de lymphome non oculaire
    • Autre cancer hématologique
    • Métastase d’autres cancers
  • Traitement:

    • Mauvais pronostic : médiane survie 24 – 52 mois
    • Chimiothérapie (MTX, Rituximab …)
    • Radiothérapie en dernière intention (toxicité)
    • Traitement local: IVT de MTX (2/sem.), Rituximab
    • Greffe autologue de moelle

3 Toxoplasmose :

Le tableau classique est bien connu, nous nous intéressons ici aux Tableaux atypiques :

  • Rétino-choroïdite bilatérale
  • Foyers actifs multiples, unilatéraux
  • Hémorragies rétiniennes
  • Pas de lésions cicatricielles
  • Rétinite nécrosante ou pseudo-serpigineuses (aggravation en cas de patients sous corticothérapie ou immunosuppresseurs)
    • Dans tous ces cas, faire une ponction de chambre antérieure et/ou une vitrectomie diagnostic

Diagnostic sur PCA: le quotient Witmer-Goldmann-Desmonts AH/S

IgG spécifiques de l’humeur aqueuse/IgG totaux : IgG spécifiques sériques/IgG totaux >3 : soit 3 fois plus d’IgG spécifiques dans l’humeur aqueuse que dans le sérum. Sensibilité : 0% spécificité > 95%

Le quotient Witmer-Goldmann-Desmonts est très utile

  • En cas de patients immunocompétents
  • De petites lésions
  • De pathologie évoluant depuis plus de 2 semaines

La PCR en cas de patients immunodéprimés, ou de rétino-choroïdite extensive.

Traitement de référence:

  • Pyriméthamine (Malocide®) 100 mg le 1er j puis 50 mg/j
    • Effet secondaire par action anti-folinique : aplasie médullaire, t. digestifs, neurologiques, cutanéomuqueux.
  • Sulfadiazine (Adiazine®) 4 à 6 g/j
    • avec une diurèse abondante
    • à éviter en cas de lithiase rénale
    • éviter le Fansidar®
    • effet secondaire : allergie cutanée (Syndrome de Lyell), hématologique
  • NB : alternative actuelle à l’Adiazine les macrolides :
    • azythromycine ZITHROMAX® 500 mg J1 puis 250 mg
    • clarythromycine ZECLAR ® 500mg/j
    • clindamycine DALACINE® 4g/j
  • Acide folinique (Lederfoline® 5 mg/j)
    • pour 6 semaines en moyenne
    • avec une surveillance NFS hebdomadaire
  • Association à la corticothérapie après au moins 48h de traitement spécifique, en particulier si :
    • Localisation para-papillaire ou para-maculaire
    • Complication vasculaire
    • Inflammation importante
    • Complications à type de membrane épi-rétinienne, de DR

Traitement préventif en cas de foyer récidivant, avec menace maculaire :

trimetoprime sulfamethoxazole (Bactrim FORT ®) 1cp tous les 3J pendant 20 mois : réduit de plus de 50 % le taux de récidives (6.6% vs 23.8%) selon une étude de 2002 (Silveira C AJO 2002)
selon une publication récente (Felix JP et al, AJO 2014) : Bactrim FORT ® 1cp tous les 2J pendant 12 mois : 0% récidive sur 12 mois vs 12%

Pendant la Grossesse

Nous pouvons être amenés à mettre en place un traitement en cas de récidive de chorio-rétinite toxoplasmique, et de menace visuelle. Ce traitement ne pourra être instauré qu’en collaboration avec l’obstétricien, chez une patiente avertie ayant donné un consentement éclairé

  • Malocide®, clindamycine et macrolides contre-indiqués pendant le premier trimestre
  • Malocide ® n’est possible qu’à partir de la 20° semaine de grossesse
  • Adiazine ® autorisée pendant toute la grossesse bien qu’il existe un risque d’hémolyse néonatale avec la sulfadiazine donnée en fin de grossesse.
  • L’afssaps conseil d’éviter par prudence l’utilisation de la Dalacine® pendant toute la grossesse
  • Clarythromycine (Zeclar®) contre-indiquée pendant toute la grossesse
  • Azithromycine (Zithromax®) autorisé après le 1er trimestre ; mieux au troisième trimestre de grossesse.
  • Alternative au traitement systémique (en particulier pendant le 1° trimestre)
    • Clindamycine en sous conjonctival ou en intra vitréen (Foster CS Retina 2007),  mais réaction allergique possible…

Chorio-rétinite toxoplasmique chez l’enfant

  • Adiazine® 500mg : enfant 150mg/kg/j
  • Macrolides et apparentés :
    • Dalacine ® clindamycine enfant 15mg/kg/j
    • Zeclar® clarithromycine enfant 15mg/kg/j
    • Zithromax® azithromycine enfant 20mg/kg/j

 

  • Association Adiazine+Macrolides
    • Attention : le  Malocide® 50mg : classiquement réservé Adulte, en dehors du traitement conventionnel de l’infection du nourrisson par contamination foeto-maternelle par cures mensuelles alternées avec la Rovamycine

 

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