Le protocole V

Le 14 octobre 2019

Faut-il traiter les patients diabétiques qui conservent une bonne acuité visuelle malgré un œdème maculaire diabétique ?

Le traitement de l’œdème maculaire diabétique est maintenant bien codifié : il faut injecter en intravitréen des anti-VEGF ou un implant de cortisone rapidement après le diagnostic, et ce, pour améliorer les chances de conserver une bonne acuité visuelle.

Mais l’évaluation de l’efficacité du traitement précoce chez des patients ayant conservé une bonne acuité visuelle au moment du diagnostic n’était pas faite. Il s’agit pourtant d’une occurrence fréquente puisque à peu près 40 % des yeux de l’étude ETDRS avec un œdème maculaire diabétique avaient conservé une bonne acuité visuelle.

Le protocole V s’intéresse particulièrement à ce groupe.

702 patients ont été inclus et répartis en trois groupes :

  • 226 patients sous Aflibercept
  • 240 patients traités par laser (grille maculaire ou laser focal)
  • 236 patients surveillés sans traitement (groupe Témoin)

La répartition entre les 3 groupes a été homogène à l’inclusion, que ce soit pour l’acuité visuelle initiale ou pour l’épaisseur maculaire centrale.

Les résultats à 2 ans ne montrent pas de différence entre les 3 groupes pour :

  • Le nombre de patients perdant au moins 5 lettres
  • Le nombre de patients perdant au moins 10 lettres
  • Le nombre de patients atteignant 10/10° à 2 ans :
    • 77 % sous Aflibercept
    • 71 % après laser
    • 66 % dans le groupe témoin
  • Ces différences ne sont pas statistiquement significatives
    • Et le nombre de patients restant au moins à 8/10°

Pour ce qui concerne le gain de lettres (forcément faible, puisque l’on part de 8/10°, c’est ce qu’on appelle l’effet plafond)

  • Le groupe sous Aflibercept gagne 1,5 lettres
  • Le groupe sous laser est stable
  • Le groupe en observation perd 0,4 lettres

Cette différence est significativement en faveur de l’Aflibercept,qu’il soit comparé au groupe laser ou au groupe en observation à 1 an. Il n’y a pas de différence à 1 an entre le groupe laser et le groupe Témoin. Par contre cette différence se lisse à deux ans, et il n’y a pas de différence statistiquement significative entre les 3 groupes.

Pour l’épaisseur maculaire, l’Aflibercept semble aussi plus efficace que le laser ou l’observation à 1 an. Cette différence est significative. Par contre, il n’y a pas de différence entre les 3 groupes à 2 ans.

Il y avait la possibilité de faire des injections de secours, si l’acuité visuelle diminuait d’une ligne à 2 visites consécutives, ou si l’acuité visuelle baissait de 2 lignes lors d’une visite de contrôle. Les modifications d’épaisseur maculaire ne déclenchaient pas d’injection.

Dans le groupe sous observation il y a eu 28 % d’injection à un an contre 13 % pour le groupe laser. À 2 ans le groupe sous observation a eu 36 % d’injection alors que le groupe laser n’en a eu que 26 %, cette différence était à la limite de la significativité. Retenons qu’1/4 des patients sous laser et 1/3 des patients en observation ont eu besoin d’injections de secours en 2 ans.

Finalement, à deux ans, le groupe sous Aflibercept aura reçu 8,3 injections alors que les 56 patients du groupe laser ayant eu besoin d’une injection de secours ont eu 7,8 injections à deux ans. Dans le groupe en observation, les 76 patients ayant eu besoin d’un traitement ont reçu 8,5 injections en moyenne en deux ans.

Il n’y a pas eu d’effets secondaires au cours de cette étude.

En conclusion la différence entre les trois groupes est minime. Dans les trois groupes, une grande proportion des patients est revenue à 10/10°, et dans les groupes laser ou en observation peu de patients ont eu besoin d’injections de secours.

Il ne faut donc pas traiter, mais surveiller les patients présentant un œdème maculaire, et gardant une acuité visuelle supérieure à 8/10° (20/25). Par contre, il faut les surveiller de près, et les traiter dès qu’ils s’aggravent.