détecter c'est sauver

Nævus inquiétant ou non ?

Carol Shield fait partie des plus grands spécialistes mondiaux des tumeurs oculaires. Nous raportons ici l'essentiel d'une interview que nous avons réalisée à l'AAO

Le 13 janvier 2019

Face à une lésion pigmentée de la choroïde, la question de la malignité se pose. Malgré une imagerie multimodale, il est parfois difficile de se faire une opinion. Nous n’avons pas accès en pratique quotidienne au type de cellules, à l’examen anatomopathologique, à la génétique. Reste la clinique, et la confrontation des images multimodales.

Nous avons 3 critères :

  • l’aspect de la tumeur
  • le siège de la tumeur (iris, corps ciliaire, choroïde)
  • la taille de la tumeur.
    Si la tumeur a une épaisseur inférieure à 3 mm c’est probablement une lésion bénigne.  Si la tumeur a une épaisseur supérieure à 3 mm c’est probablement un mélanome. Mais attention, il y a un mélanome particulièrement dangereux: le mélanome plat diffus (≤ 2mm).

Les critères de Carol Shields sont utiles pour départager les patients à risque et à traiter rapidement des patients à surveiller :

  • Tumeur symptomatique (baisse d’acuité visuelle, métamorphopsies, amputation du champ visuel)
  • Épaisseur ≥ 3 mm
  • DSR (ou tyndall vitréen)
  • Présence de pigment orange (accumulation de lipofuscine)
  • Localisation proche de la papille
  • Limites flous à l’écho, et excavation choroïdienne
  • Pas de halo hypo-pigmenté autour de la tumeur
  • Pas de drusen en surface de la tumeur

Attention, le DSR est un DSR clinique. On peut trouver un DSR infra-clinique à l’OCT, et ce n’est pas alors un critère devant obligatoirement mener au traitement d’un mélanome.
La présence de Drusen, ou au moins de remaniements pigmentaires en surface de la tumeur sont des signes rassurants, car il s’agit de signes de chronicité. A l’inverse, des accumulations de lipofuscine sont des signes de perturbations rapides.

Enfin, notons qu’une néovascularisation peut compliquer un nævus bénin.

Il y a aussi des facteurs de mauvais pronostic retrouvé par Carol Shield

  • Âge : plus le sujet est jeune, plus c’est inquiétant (p< 0,001)
  • Lésion proche du corps ciliaire (p< 0,001)
  • Augmentation du diamètre à 2 examens successifs (p< 0,001)
  • Augmentation de l’épaisseur (p< 0,001)
  • Coloration noire (p= 0,001)
  • DSR (p= 0,002)

En cas de mélanome, le pronostic (et le risque de métastase) est étroitement lié à l’épaisseur de la tumeur.

Il y a 5% d’augmentation de risque de métastase par millimètre d’épaisseur.

Épaisseur de la tumeur Mortalité à 3 ans Mortalité à 5 ans Mortalité à 10 ans métastases
0 à 1 mm 2% 5% 5% 5%
1 à 2 mm 3% 8% 12% 10%
2 à 3 mm 2% 5% 12% 15%
3 à 4 mm 3% 8% 17% 20%
4 à 5 mm 8% 15% 26% 25%
5 à 6 mm 9% 18% 28% 30%
6 à 7 mm 9% 15% 28% 35%
7 à 8 mm 12% 21% 41% 40%
8 à 9 mm 18% 33% 48% 45%
9 à 10 mm 19% 31% 45% 50%
> 10 mm 27% 40% 52% > 50%

Utilisons les facteurs de risque et surveillons de près

  • Le diagnostic de mélanome:
    • Épaisseur ≥ 3 mm
    • DSR
    • symptomatique
    • pigment orange
    • proche de la papille
    • flou à l’écho
    • pas de halo
    • pas de drusen
  • Âge
  • augmentation de l’épaisseur
  • augmentation du diamètre
  • corps ciliaire

Et n’hésitons pas à adresser le patient à un centre de référence, au moindre doute de malignité, car le temps est compté

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