ARMD 2015: la session diabète

Le 3 octobre 2015 a eu lieu à Cannes, au cœur de la Croisette, le 8° congrès ARMD. La matinée a commencé avec une session consacrée au diabète, dont nous vous rapportons ici la substantifique moelle.

Le 25 avril 2016

La population

Le diabète est un problème de santé publique avec plus de 3 millions de personnes traitées en France (statistiques de 2013), ce qui représente 4.7% de la population. Les complications augmentent avec l’âge, et l’œdème maculaire diabétique est maximal dans la tranche d’âge 75-79 ans.

40% des patients diabétiques ont au moins 3 complications au cours de leur vie. La plus fréquente est la neuropathie avec 60 à 70% de diabétiques touchés. Puis vient la néphropathie (33,4 % des patients diabétiques), et enfin la rétinopathie diabétique qui touche 28,5% des patients de plus de 40 ans. 13% de ces cas compliqués de rétinopathie diabétique présentent un œdème maculaire.
Les complications cardiovasculaires viennent ensuite, avec une incidence de seulement 20,4 %, mais elles touchent des patients plus jeunes, atteignant les diabétiques dès l’âge de 35 ans. La surveillance du fond d’œil (central ET périphérique) est essentielle pour éviter les complications.

La prévalence de l’œdème maculaire diabétique augmente régulièrement. Cela peut être dû à l’augmentation de l’espérance de vie (incidence plus importante dans les tranches d’âges élevées), à l’augmentation de l’obésité en France, mais aussi à l’augmentation du dépistage.

La pathogénie

Les liens entre la physiopathologie et les traitements disponibles ont été revus lors du congrès ARMD.
La pathogénie de l’œdème maculaire diabétique est complexe, avec une rupture de la barrière hémato-rétinienne, due à différentes cytokines (VEGF et cytokines inflammatoires). A ces médiateurs peuvent s’ajouter des facteurs mécaniques comme une traction vitréo maculaire.
Ces facteurs locaux sont complétés par des facteurs généraux d’aggravation comme une HTA ou une insuffisance rénale.

Ce sont des cibles thérapeutiques.

La classification et la prise en charge

L’œdème maculaire est défini comme tout épaississement rétinien ou exsudats au pôle postérieur, mais il faut savoir à quel œdème maculaire on est confronté. On utilise une classification dérivée de la classification de l’ETDRS.

  • OM minime : épaississement rétinien ou exsudats à distance du centre de la macula : dans ce cas : surveillance
  • OM modéré : épaississement rétinien ou exsudats à proximité du centre de la macula, mais ne l’atteignant pas : dans ce cas : laser prudent, sur la source de l’œdème (micro-anévrysmes à plus de 750µ du centre)
  • OM sévère : épaississement rétinien ou exsudats atteignant le centre de la macula : dans ce cas ; injections intra-vitréennes.

Signalons des cas particuliers : une ischémie centrale ou des placards exsudatifs sous-maculaires sont de mauvais pronostic, et ne doivent pas être sur-traités. Une traction vitréo-maculaire doit être levée chirurgicalement.

La stratégie thérapeutique

Il faut commencer le traitement le plus tôt possible. Les études montrent qu’un retard de prise en charge se solde par une moins bonne récupération visuelle: le groupe traité tardivement ne rattrape jamais le groupe traité précocement.

Les années précédentes ont vu des avancées thérapeutiques majeures pour l’œdème maculaire diabétique, mais comment choisir la meilleure stratégie pour nos patients ? Outre le contrôle indispensable des facteurs systémiques, le choix du traitement local dépend de:

  • L’acuité visuelle
  • La localisation de l’œdème maculaire diabétique, et la présence ou non d’une traction vitréo-maculaire
  • De la source des diffusions (micro-anévrismes et leur localisation…)
  • Du statut du cristallin (phaque, pseudophaque, cataracte)
  • La sévérité de la rétinopathie diabétique associée
  • De la possibilité de déplacement du patient (dialyse, problèmes locomoteurs)
  • De la présence de contre-indications: Accident cardio vasculaire récent, Grossesse (contre-indication aux anti-VEGF), HTO, glaucome, ATCD infectieux (herpès, toxoplasmose…) (contre-indication aux corticoïdes)

Quel traitement en cas d’œdème maculaire diabétique intéressant le centre ?

Trois traitements peuvent être proposés en première intention devant un OMD sévère associé à une baisse de l’acuité visuelle : les anti-VEGFs (Ranibizumab et Aflibercept) ou l’implant de dexamethasone.

1/ Voyons tout d’abord des injections d’anti-VEGF  (Ranibizumab ou Aflibercept).

Les conditions idéales regroupent 3 critères :

  • La présence d’une ischémie périphérique sévère (avec risque de rubéose irienne).
  • L’absence d’accidents cardiovasculaires récents
  • Un suivi mensuel possible.

Le protocole sera de 3 ou 5 injections initiales, puis un régime en PRN, guidé par l’évolution de l’acuité visuelle et l’OCT : injection mensuelle jusqu’à l’obtention d’une stabilité de l’acuité visuelle et  de l’épaisseur maculaire en OCT, définis comme Δ AV < 5 lettres et Δ EMC < 10% au cours de 3 évaluations mensuelles successives.
En l’absence d’amélioration de l’acuité visuelle et de réduction de l’épaisseur rétinienne, on changera de produit injecté.

Que retenir du protocole T ?

Le protocole T est une étude menée par le groupe DRCRnet. Il a comparé 3 produits agissant sur le VEGF : le Ranibizumab, l’Aflibercept et le Bevacizumab. Attention, le Ranibizumab testé est celui utilisé aux USA, soit R 0,3mg, alors que nous utilisons du 0,5mg en France.
Quand la perte visuelle initiale est faible, il y a peu de différence entre les trois traitements (Ranibizumab 0,3mg Bevacizumab ou Aflibercept) en termes de gain d’acuité visuelle à un an.
En cas de perte visuelle plus importante (≤  4/10°), l’Aflibercept est plus efficace que le Ranibizumab 0,3mg ou le Bevacizumab.
Un traitement par laser est parfois nécessaire secondairement sur les zones de rétine qui restent épaissies. L’intérêt de ce laser différé (après au moins 6 mois de traitement) a aussi été mis en évidence par le protocole I du DRCRnet.

2/ L’implant de Dexamethasone

Cet implant à libération prolongée est indiqué en première intention chez les pseudophaques, ou chez les phaques pour lequel un traitement non corticoïde ne convient pas :

  • soit lorsqu’un suivi mensuel est impossible,
  • lorsqu’il y a un accident cardio vasculaire récent,
  • et classiquement en cas de vitrectomie.
  • Bien sûr, en l’absence de glaucome évolué ou non équilibré : le produit est utilisable si la pression intraoculaire est contrôlée par un traitement.

Le protocole sera 2 à 3 injections par/an (délai de retraitement 4 à 5 mois). Après la première injection, des visites de contrôle à 1, 2 et 4 mois suffisent pour contrôler la tension oculaire et l’efficacité (acuité visuelle et OCT).
NB : si la tension oculaire initiale > 21, une visite supplémentaire est programmée à J15. Ultérieurement, les contrôles peuvent être plus espacés. Lorsqu’il n’y a pas eu d’augmentation de pression intraoculaire lors de la première injection, les études montrent que les patients ne font pas d’hypertonie oculaire lors des injections successives.

3/ l’implant de Fluocinolone

Il est indiqué en dernière intention, chez les  patients non répondeurs aux anti-VEGF, idéalement après plusieurs injections d’Ozurdex®. Il permet une efficacité à long terme (plusieurs années).

4/ la périphérie :

les études Rise Ride, Vivid Vista et le protocole I montrent que les injections intra-vitréennes permettent une diminution ou une stabilisation du stade de la rétinopathie diabétique périphérique, quel que soit le produit injecté. Mais ces régressions ne concernent au mieux que 1/3 des patients avec un schéma d’administration d’IVT conséquent (9 à 12 injections la première année selon la molécule).
La pan-photocoagulation garde donc toute sa place dans l’arsenal thérapeutique.
En cas de rétinopathie proliférante, la pan-photocoagulation doit être faite en urgence, et sur quelques jours. En cas de rétinopathie non proliférante, on pourra se permettre d’attendre d’évaluer l’efficacité des injections,  mais il faut garder en mémoire la nécessité de surveiller régulièrement la périphérie. Le Protocol I (DRCRnet) montrait une même efficacité entre le Ranibizumab et la triamcinolone dans l’amélioration de 2 stades de leur rétinopathie diabétique, concernant 25% des patients, avec un nombre d’injections plus important pour le Ranibizumab par rapport à la triamcinolone : 9 injections versus 3. Peut-être pourrons-nous compter sur les corticoïdes pour traiter la RD ? Le protocole I montré aussi l’intérêt de faire un laser différé.

Conclusion :

Retenons l’importance la première année d’un suivi mensuel strict en cas de traitement par anti-VEGF (3 à 4 visites de suivi en cas d’implant de dexamethasone). Ce suivi pourra être progressivement espacé à partir de la 2° année. L’efficacité du traitement est maintenue dans les 5 ans qui suivent le début de la prise en charge à condition de le commencer rapidement, et de façon intensive. Le laser devra être différé (sauf la pan-photocoagulation en cas de néovascularisation qui doit être faite rapidement : dans la semaine). La surveillance de l’acuité visuelle, l’OCT et l’examen de la périphérie sont essentiels. En cas de patient indisponible, un traitement par implant de dexamethasone permet de s’assurer d’une efficacité malgré une mauvaise compliance.