De l'autre côté du miroir

Rencontre avec le Pr Laurent Kodjikian, Professeur d’Ophtalmologie et Président du congrès LOR (Lyon-Oeil-Retine)

Professeur à l'Université Claude Bernard et Président du congrès LOR, ce lyonnais talentueux revient sur son parcours, son expérience et son engagement.

Le 31 janvier 2024

Laurent Kodjikian est Professeur d’Ophtalmologie à l’Université Claude Bernard de Lyon et aussi Président du congrès LOR (Lyon-Oeil-Retine). Il revient sur son parcours, son expérience et son investissement pour la profession.

Vous êtes professeur d’ophtalmologie. Pour vous, cette profession, c’est

  • une vocation ?

Laurent Kodjikian. Une vocation pour la médecine : non, mais une envie oui. J’étais destiné à faire une école d’ingénieur avec un bac C Mention très bien et finalement au dernier moment je me suis orienté vers la médecine, je ne me souviens plus bien pourquoi pour être honnête.

Une vocation pour l’ophtalmologie : non, au départ mais peut-être finalement. En réalité, j’ai toujours été attiré par une spécialité médico-chirurgicale. Je n’ai pas voulu faire O.R.L. car je suis passé en stage dans un service de cancérologie et la population alcoolo-tabagique ne me correspondait pas. Je n’ai pas vu malheureusement de microchirurgie de l’oreille interne. J’aimais beaucoup l’urologie mais le jeune externe que j’étais avait l’impression que cela sous-entendait de faire des touchers rectaux toute la journée. J’ai peut-être eu tort car c’est une belle spécialité. J’aimais beaucoup aussi la Gynécologie-obstétrique mais le fait que je sois un garçon me semblait être un inconvénient. Il restait l’ophtalmologie. Les cours à la faculté m’ont passionné et le stage en service également. Donc le choix a finalement vite été fait.

  • Un peu le fruit du hasard ?

Oui possiblement

  • Le résultat d’une rencontre ?

Oui clairement. Mes cours à la faculté était donné par le professeur Mireille Bonnet. Je crois très honnêtement que c’est elle qui a été la source de mon envie voire de ma vocation. Ses cours étaient d’une clarté inégalée. Elle était d’une compétence et d’une précision chirurgicale rare en ce monde. Elle a toujours été bienveillante et gentille à mon égard. Peut-être parce que j’avais eu 20/20 au certificat d’ophtalmologie en cinquième année de médecine. Quand je suis arrivé externe dans son service en sixième année, elle me l’a fait remarquer.

Quels sont les 2 ou 3 événements qui vous ont profondément marqués au fil de votre carrière ?

Laurent Kodjikian. Je dirais que l’événement qui a le plus marqué ma carrière est lorsque le ministère de la santé est venu me chercher pour réaliser l’étude GEFAL en 2007, alors que je n’étais pas encore PUPH. Cette étude qui a comparé le Lucentis à l’Avastin dans la DMLA néovasculaire a occupé sept ans de ma vie. Cette étude m’a apporté une compétence en recherche CLINIQUE, m’a permis de développer mon réseau national et international, mais m’a aussi fait prendre beaucoup de coups directs et indirects. Mais j’ai trouvé de véritables amis qui m’ont soutenu et protégé. J’ai aussi appris beaucoup au sujet de la presse qui détourne facilement les propos des Médecins et qui n’a pas beaucoup de vraies compétences scientifiques sans vouloir être méchant.

Bien sûr qui dit carrière, dit mentors, et j’ai une pensée émue et reconnaissante pour mes patrons lyonnais : le professeur Mireille Bonnet, le professeur Jean-Daniel Grange, le professeur Carole BURILLON et en dernier, mais pas des moindres, le professeur Philippe DENIS. Je travaille avec Philippe depuis 2010. Il est mon chef de service et je suis son chef de service adjoint. Je dirais qu’il m’a beaucoup appris sur la gestion d’un service, la gestion des relations humaines au sein d’un service et la gestion des relations médecin-direction hospitalière. Je le remercie pour toute sa bienveillance, sa gentillesse et son soutien à mon égard.

Je dirais aussi que ce qui a marqué ma carrière est toutes les relations amicales que j’ai pu nouer avec mes confrères rétinologues français et internationaux. Je crois que l’adage populaire : « l’union fait la force » est tout à fait réelle. J’ai réussi à mener différentes études multicentriques grâce à la collaboration de plusieurs services. Je ne peux bien sûr pas tous les citer et j’espère que personne ne m’en voudra de citer en particulier le professeur Catherine Creuzot qui est un exemple en matière d’union des ressources. En tous cas son état d’esprit m’a toujours beaucoup inspiré et je lui suis reconnaissant pour son soutien et sa bienveillance à mon égard.

Vous êtes aussi organisateur du congrès LOR. Qu’est-ce qui a motivé votre implication, votre engagement pour vous lancer dans cet événement ?

Laurent Kodjikian. J’ai été nommé Professeur des universités praticien hospitalier en 2008. Il m’a semblé alors évident qu’il était important d’avoir à Lyon un congrès organisé par la faculté car cela n’existait pas. Il y avait différents congrès organisés par le privé uniquement. Ces congrès étaient certes de qualité, mais les professeurs d’université ont aussi pour vocation de prêcher la bonne parole. Je me suis donc lancé dans cette aventure humaine qui me demande beaucoup d’énergie et de temps. Dès la première édition, en janvier 2010, il y avait 350 inscrits. Nous en sommes actuellement à la huitième édition qui a eu lieu en décembre 2023 avec 805 inscrits, la majorité étant des ophtalmologistes, mais il y avait aussi des orthoptistes. Mon congrès se veut très pratique répondant à des questions que les ophtalmologiques se posent au quotidien. Il permet aussi de faire le point de façon pédagogique sur les nouvelles molécules, notamment en rétine. Ce congrès est avant tout un congrès de rétine médicale, mais on aborde aussi le glaucome, la cornée, et d’autres sujets d’actualité, tous les deux ans, les années impaires, autour du 8 décembre, qui symbolise la fête des lumières à Lyon, évènement de son et de lumière qui attire en général plus de 2 millions de visiteurs sur quatre jours.

Quelles sont, à votre avis, les innovations qui pourraient révolutionner l’ophtalmologie d’ici 10 ans ?

Laurent Kodjikian. La thérapie génique va de façon quasi certaine révolutionner très vite l’ophtalmologie. La thérapie cellulaire qui répondra à l’attente de beaucoup de patients est également pour pourvoyeuse d’espoir. Les implants sous rétiniens dans la DMLA atrophique ou la rétinopathie pigmentaire risquent là aussi de changer la donne. La robotique pourrait peut-être aussi arriver.

Si vous pouviez faire un vœu pour améliorer la vie de vos patients. Quel serait-il et pourquoi ?

Laurent Kodjikian. Mon vœu serait de trouver une solution pour enfin redonner de la vision à nos patients atteints de DMLA atrophique ou exsudative, quand les photorécepteurs sont en particulier détruits par de l’atrophie ou de la fibrose. La thérapie cellulaire, les cellules souches, les implants sous-rétiniens peuvent représenter justement une solution d’avenir.